Atride est très original. Gauthier Fourcade a réussi à créer un jeu totalement abstrait et
stratégique pour trois joueurs, sans que des alliances soient possibles
entre les joueurs.
L'idée de base est que chaque joueur peut prendre les pions du joueur à
sa gauche, tandis que ses pions peuvent être pris par son adversaire de
droite. Si vous prenez trop de pions à votre proie, vous affaiblissez le
seul joueur qui peut nuire à votre prédateur. D'où un équilibre qui se
crée naturellement. Les joueurs ne prennent que si c'est nécessaire,
afin de ne pas bouleverser le système, ce qui pourrait leur être
préjudiciable.
L'élimination d'un joueur est cependant possible, s'il constate qu'il ne
peut pas jouer à son tour.
Étant d'un naturel flemmard, je vous livre ici le commentaire qu'en fait
Michel Boutin dans son ouvrage Le Livre des jeux de pions (Bornemann
1999, et dont la lecture devrait être rendue obligatoire à tous les
conseillers d'éducation) :
« Page 29 :
Inventé et édité par Gauthier Fourcade en 1994, Atride est un jeu
singulier en raison d'un système de prises circulaires pouvant induire
des contradictions. Les grands ont intérêt à prendre les moyens, mais
en même temps ils attaquent leurs meilleurs alliés qui les protègent de
l'attaque des petits : comment faire ? ».
« Page 126 :
Les jeux de pions, à trois joueurs au moins, sont souvent mal
considérés par rapport à ceux à deux joueurs. Pourtant leur structure
peut induire, entre les joueurs, des relations singulières inconnues dans
la pratique des jeux à deux joueurs (…) Ils conduisent souvent à des
stratégies complexes et subtiles qui vont bien au-delà de leur aspect
combinatoire. Ils induisent, entre les joueurs, des relations affectives
déterminantes sur le choix des tactiques. Des coalitions passagères et
instables génèrent souvent des situations de paradoxe. Le jeu de Dames
à trois de J.G. Lallement (1802) est l'un des premiers à trois joueurs.
Beaucoup d'autres ont suivi sans passer à la postérité, peut-être en
raison de l'effet paradoxal induit. Pourtant, un inventeur astucieux
(Gauthier Fourcade) a proposé en 1994 le jeu singulier Atride basé sur
cet effet paradoxal ».
Qu'ajouter à cela ?
Que jouer à Atride provoque un réel plaisir. Les tactiques sont subtiles
et les parties s'enchaînent sans lasser personne. Le matériel est
magnifique. Trop même, car le prix de fabrication a empêché la
commercialisation par les voies traditionnelles. Le jeu aurait pourtant mérité
une diffusion moins confidentielle.
Les amateurs se réjouiront de savoir que l'auteur dispose encore de
quelques exemplaires…
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